Les arbres généalogiques imprimés suscitent un véritable engouement sous l’Ancien Régime. Des listes des papes, des rois de France ou d’Angleterre paraissent dès la Renaissance, souvent ornées de portraits gravés sur bois ou sur cuivre. À une époque où la légitimité politique doit presque tout à l’ordre dynastique et au droit de succession, ces documents n’intéressent pas que les historiens et les antiquaires ; les élites y reconnaissent le fondement historique de l’autorité politique. La plupart du temps, ces généalogies s’impriment d’un seul tenant ; cependant, certaines sont exécutées en plusieurs stades sur différentes presses, puis montées par encollage. C’est le cas de celle-ci, imprimée par Samuel Girardet fils en 1813, à l’époque où le maréchal Berthier, chef d’état major de l’armée napoléonienne, règne encore sur la principauté sous le nom d’Alexandre Ier.
Cette généalogie se déploie sur un grand format. Au centre, encadrés dans des petits rectangles contrecollés, apparaissent les souverains de Neuchâtel depuis le comte Ulrich jusqu’aux derniers ducs d’Orléans-Longueville, qui régnèrent sur Neuchâtel jusqu’en 1707.
De part et d’autre, en trois colonnes serrées, le document présente les dynastes depuis Ulrich, mais en incluant les souverains prussiens.
Enfin, l’éditeur a jugé bon d’orner son arbre généalogique d’un portrait de Guillaume Farel, et ceux de souverains neuchâtelois, français et prussiens. Un des portraits représente le roi de Prusse Frédéric-Guillaume III, mais jeune, alors qu’il n’était que prince royal, avant son accession au trône en 1797.
Trois paysages occupent la feuille : une « Vue du Château de Neuchâtel prise du côté du Nord », une « Vue de l’abbaye de Fontaine-André prise du côté du Midy », une « Vue de COLLOMBIER vue du côté du Nord ». Toute cette iconographie a été récupérée dans les Etrennes historiques […] pour l’année 1794, et celles publiées pour l’année 1795 (Portrait de Frédéric-Guillaume en prince royal ; vues de Neuchâtel et de Fontaine-André) et 1797 (vue de Colombier). Les gravures, exécutées par Abraham-Louis Girardet, trahissent un talent modeste.
Ce document se caractérise par un grand manque de logique ; il a sans doute été adapté aux nouvelles données politiques induites par la chute de l’Empire en 1814. Au départ, la généalogie devait célébrer les prédécesseurs essentiellement francophones ou français du prince Berthier.
Au moment où la principauté comprend qu’à la fin du conflit, le roi de Prusse va sans doute reprendre sa souveraineté sur Neuchâtel, l’éditeur tente de produire un document où la dynastie des Hohenzollern réapparaît en bonne place ; ce changement cause un grand manque de cohérence. Au lieu de créer un nouveau document – tâche jugée sans doute trop coûteuse – Girardet a préféré « bricoler » une présentation devenu obsolète, en transformant le commentaire imprimé, et en encollant des gravures arrachées à des livres d’étrennes locaux publiés quinze années auparavant par la maison Girardet… Le titre original, mentionnant Alexandre Berthier, est même conservé.
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