Auguste Bachelin est un peintre, historien, romancier et critique d’art neuchâtelois principalement connu pour ses toiles historiques et militaires. Profondément attaché au canton de Neuchâtel, il est l’un des membres fondateurs de la Société d’histoire de Neuchâtel, ainsi que de la revue Le Musée neuchâtelois, toutes deux créées en 1864 et au sein desquelles il est très actif. Son regard sur la ville est extrêmement riche : en effet, « Auguste Bachelin a attiré l’attention des Neuchâtelois sur la valeur de leur passé et sur la nécessité d’en conserver les traces » (BPUN Fonds Auguste Bachelin – Description en ligne ). Le peintre a probablement exécuté cette aquarelle d’après des œuvres de la fin du 18e siècle.
L’intérieur de la demeure (qui appartient à la famille Perregaux, établie à cette époque à Dombresson ) suit la mode des arts décoratifs de l’époque ; l’espace, s’apparentant à un grand salon dominé par le bois, est spacieux et lumineux. Toutefois, le décor est dépouillé car les intérieurs comportent alors moins de mobilier qu’aujourd’hui ; de plus, l’« aristocratie banquière et commerçante de Neuchâtel » (Henry, 1991, p. 258), très imprégnée de la religion protestante, se caractérise par « le contrôle de soi » (Ibid) et « la sobriété des comportements » (Ibid). Les seuls éléments qui trahissent l’aisance de la famille sont des portraits découpés en silhouette sur papier noir, dans des cadres ornant les murs, signées Marianne Moula ; les vases sur le rebord de la cheminée ; le miroir, les boiseries et les rideaux blancs. Six femmes et deux hommes occupent cette scène : l’une d’elles travaille la dentelle alors que les autres brodent. Les deux hommes contemplent leur travail avec attention. Derrière l’aquarelle, deux noms sont écrits au crayon : « Mr. De Chambrier et Mr. De Meuron ». Il est fort probable que ce soit l’identité des deux hommes de la composition. La palette utilisée, dans les tons beige, bleu-gris et blanc, confère à la pièce une atmosphère chaleureuse mais sobre.
Ici, la reconstruction d’un intérieur comporte une dimension sociologique: l’historien a tenté de reconstituer un milieu disparu, avec ses activités – dentelle, broderie, passe-temps. Le style, linéaire, et l’absence de couleurs vives servent bien le propos descriptif de l’historien, qui a cependant rendu l’effet perspectif avec peu de rigueur. Le travail d’Auguste Bachelin peut être rattaché à toute la mouvance qui, dans la deuxième moitié du 19e siècle, vise à la redécouverte du 18e siècle. Bachelin connaissait sans aucun doute l’œuvre de Jules et Edmond de Goncourt, qui exemplifièrent cette enquête historique, avec leurs livres L’art du Dix-Huitième siècle et La Femme au dix-huitième siècle. Historiens du 18e siècle et grands collectionneurs, ils obtinrent un grand succès en devenant des historiographes des «habitudes de la vie » (Pety, 2003, p. 246).
Calame, Caroline, « Auguste Bachelin : peintre, historien, critique d’art, romancier (1830-1890) », in : Biographies neuchâteloises, Hauterive : G. Attinger, t. 3 : De la Révolution au cap du XXe siècle, 2001, p. 18-24.
Goncourt, Edmond et Jules de, La Femme au dix-huitième siècle, Paris : Didot, 1862.
Goncourt, Edmond et Jules de, L’Art du dix-huitième siècle, Paris : Rapilly, 1873-1874, [1859-1875].
Henry, Philippe, Histoire du Pays de Neuchâtel, Hauterive : Éd. Gilles Attinger, t. 2, 1991.
Junod, Philippe, Kaenel, Philippe (dir.), Critiques d’art de Suisse romande : de Töpffer à Budry, Lausanne : Payot, 1993.
Klauser, Éric-André, « Galerie de portraits neuchâtelois de la fin du XVIIIe et de la première moitié du XIXe siècle caricaturés, silhouettés et découpés par Marianne Moula (1760-1826), Mathieu César d’Ivernois (1771-1842), Louis de Meuron (1786-1847), César-Henri Monvert (1784-1848) », in Nouvelle revue neuchâteloise, n°67-68, 2000.
Pety, Dominique, Les Goncourt et la collection : de l’objet d’art à l’art d’écrire, Genève : Droz, 2003.
Thornton, Peter, Authentic decor : the domestic interior 1620-1920, Londres : Weidenfeld & Nicolson, 1985.
BPUN Fonds Auguste Bachelin – Description en ligne (consulté le 01.05.2012).