Issu d’une célèbre famille d’horlogers originaire de Couvet, Jean-Jacques Berthoud se fait connaître dans la région comme peintre sur faïence et portraitiste. Il réalisera également de nombreuses vues ou plans de ville à vol d’oiseau (Travers, Valangin, Yverdon-les-Bains, etc.), reconnaissables à leurs délicats cartouches de style rocaille. Quoique souvent jugées approximatives, ces représentations n’en livrent pas moins de précieuses informations sur la topographie de ces localités au 18e siècle. Son Plan de la Ville et Faubourg de Neûchatel pris à Vol d’oiseau dans la hauteur du côté de Serrieres, datant de 1769, demeure en ce sens un témoin historique inestimable puisqu’il illustre un moment clé du développement de la cité.
Deux cartouches bordent le plan, et fournissent les indications nécessaires à sa compréhension. Le premier, situé à gauche, contient le titre précité et la dédicace. Son pendant droit liste les légendes présentes sur la carte, en les organisant par édifices et par rues. L’aspect formel de cette représentation géographique s’atténue au gré des personnages intégrés par Berthoud, qui évoquent des scènes du quotidien neuchâtelois.
Si les symboles du bourg médiéval, tels que tours et murailles, rythment toujours la configuration du lieu, la gouache atteste avant tout d’un éclatement des limites urbaines. Cette tendance, qui se ressent dans toute l’Europe entre les 16e et 18e siècles, résulte surtout dans ce cas d’initiatives privées. Dès le début du 18e siècle, de riches Neuchâtelois abandonnent l’exiguïté du centre pour établir leurs luxueux hôtels particuliers dans les campagnes disponibles à l’est de la ville. La Grande puis la Petite Rochette, tout comme l’Hôtel DuPeyrou, encore en construction lors de l’établissement du plan par Berthoud, offrent de magnifiques exemples de cette nouvelle dynamique.
Devant cette formidable expansion des faubourgs, les Quatre-Ministraux de Neuchâtel veillent à protéger le terrain occupé par la route qui mène à Saint-Blaise, aujourd’hui dénommée faubourg de l’Hôpital. Cet axe, déjà clairement profilé par Berthoud, prendra un statut particulier en 1784 lors de l’érection de l’hôtel de ville par l’architecte Pierre-Adrien Pâris (1745-1819). Construit sur les anciens murs orientaux de Neuchâtel, ce bâtiment déplace significativement le cœur administratif de la cité, en créant une ouverture sur le faubourg de l’Hôpital.
Cet emplacement limitrophe annule ainsi définitivement la scission existant entre les espaces urbain et rural, et permettra de repenser l’organisation globale de la ville. Il faudra toutefois attendre le 19e siècle pour voir apparaître « un système routier […] rationalisé en fonction des besoins spécifiques de la ville et de son essor économique » (Henry, 1991, p. 268).
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