« Simple et vrai ». Pierre-Alexandre DuPeyrou avait choisi cette devise. Des Neuchâtelois influents – tels qu’Isabelle de Charrière (1740-1805), Abram Pury (1724-1807) et Lord Keith (1686-1778), gouverneur de Neuchâtel de 1754 à 1768 – appartenaient à son cercle intime. Cet homme, né à Paramaribo (Guyane hollandaise), était le fils d’un conseiller à la Cour de justice du Surinam, qui possédait des plantations de canne à sucre, de café et de cacao. Il est connu pour son acharnement à défendre Jean-Jacques Rousseau, et pour la commande d’une luxueuse résidence, l’Hôtel DuPeyrou.
Arrivé à Neuchâtel à l’âge de dix-huit ans, l’étranger fut accepté dans la Bourgeoisie plus rapidement que de coutume. Ce statut permit au financier prospère de contracter un bon mariage dans la famille de Pury.
Placé au-dessus d’une porte dans la première résidence de DuPeyrou à Neuchâtel, un médaillon sculpté représentant DuPeyrou en buste entouré de six chérubins, tous occupés par une activité artistique, célébrait son identité philanthropique. Contrastant avec cette image allégorique, le portrait anonyme montre un homme décontracté et sûr de lui, qui fixe le spectateur avec naturel. Cet homme élégant porte une chemise à jabot déboutonnée, couverte d’une redingote bleu ciel au tissu fin. Nous pouvons imaginer que le peintre a surtout cherché à produire une image représentant la « justesse » et l’« exactitude » : des qualités attendues d’un portrait de l’époque. DuPeyrou aspirait à se montrer en homme moderne. Sa pose se caractérise par la légèreté, illustrant ainsi sa devise : « Simple et vrai ».
Au cours de l’été 1762, DuPeyrou fit la connaissance de Jean-Jacques Rousseau ; cette rencontre marqua le début d’une période mouvementée pour les deux hommes. Pour DuPeyrou, l’arrivée de Rousseau à Môtiers représenta une chance unique d’entrer dans l’intimité d’un très grand écrivain des Lumières. Mais cette amitié insolite l’incita à s’investir dans d’autres domaines que la simple gestion des plantations de son père : DuPeyrou se réinventa en mécène des arts, éditeur et protecteur de Rousseau. Les Œuvres complètes de J.-J. Rousseau furent publiées par DuPeyrou juste après la mort du philosophe entre 1779 et 1882. Il légua l’ensemble des manuscrits de Rousseau qu’il possédait à la Bibliothèque publique de Neuchâtel.
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Juillerat, Anne-Laure, Piguet, Claire, Jelmini, Jean-Pierre, DuPeryrou, un homme et son hôtel, Fleurier & Pontarlier : éditions du Belvédère, 2011.
Ebeling, Jorg, « Upwardly mobile : Genre Painting and the Conflict between Landed and Moneyed Interests », in : French Genre Painting in the Eighteenth Century, Washington : National Gallery of Art, 2007, pp. 73-84.
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