Avant la généralisation de l’éclairage électrique, les Neuchâtelois disposent globalement de deux moyens pour connaître l’heure que leur horloge indique dans la pénombre. Le premier consiste à actionner le mécanisme de sonnerie (répétition) des horloges, puis à compter le nombre de coups sonnés. Le second consiste à éclairer le cadran des horloges à l’aide d’une bougie ou d’une lampe à huile par exemple.
Cette pendulette veilleuse relève de la deuxième solution. Elle est construite par David Robert l’Aîné (1717-1769), fils de Josué Robert (de la dynastie horlogère éponyme) et beau-frère de Pierre Jacquet-Droz. L’historien de l’horlogerie Alfred Chapuis signale qu’en 1764, on dit de David Robert l’Aîné qu’il fait « construire par grand nombre d’ouvriers toutes sortes de pendules curieuses ». « Pendules curieuses » parmi lesquelles figure peut-être celle-ci, dont la forme paraît insolite dans les Montagnes neuchâteloises. Elle s’apparenterait néanmoins, selon Chapuis toujours, à celle d’autres pendules qu’il a vues en France.
Le principe de fonctionnement de cette pendule-veilleuse est le suivant : un support amovible situé à l’arrière accueille une lampe à huile (ou autre moyen d’éclairage dont la hauteur est adaptée au petit espace à disposition tout en garantissant une durée satisfaisante d’éclairage). Cette source de lumière vient rétroéclairer un disque tournant percé des numéros des heures et des bâtonnets des demi-heures, habillé à l’arrière d’un filtre de tissus rouge. Un doigt gravé peint à la surface du cabinet fait office d’aiguille fixe indiquant l’heure. Du point de vue du mécanisme, le disque tournant est mû par un mouvement d’horlogerie logé au bas du cabinet et équipé d’un balancier (disparu). Ce mouvement est armé à l’aide d’un remontoir accessible depuis l’arrière de la pendule. Le carré que l’on aperçoit à l’avant du cabinet, probablement pourvu à l’origine d’un bouton de manipulation, sert vraisemblablement à la mise à l’heure.
Cette pendule-veilleuse en laiton est montée sur un pied tourné et surmontée d’un petit ange de bronze qui tient à la main un sablier. Commandée à part, cette pièce de bronze a visiblement été adaptée, à sa base, à la forme protubérante du haut du cabinet. Un trou est pratiqué sur le sommet de la pendule, à l’arrière de l’ange, pour faciliter la pénétration de l’air extérieur et laisser s’échapper la chaleur émise par la lampe à huile. A l’avant, la surface du cabinet est ornée de motifs floraux gravés accompagnés de la signature « D. Robert l’Aîné à La Chaux-de-Fonds En Suisse ».
Au vu du peu de données les concernant, il est difficile d’estimer à quel point ces « pendules-veilleuses » était répandues dans le canton de Neuchâtel. Force est cependant de constater que rares sont les exemplaires conservés aujourd’hui au sein des musées neuchâtelois. Celle présentée ici est parvenue au Musée d’histoire de Neuchâtel par l’intermédiaire de l’historien de l’horlogerie Alfred Chapuis, qui l’acquit à Paris en 1920. Les « pendules-veilleuses » tomberont en désuétude à mesure que les systèmes de sonnerie à la demande se généraliseront. Elles disparaîtront définitivement une fois l’éclairage électrique généralisé.
Chapuis, Alfred, « De quelques curieuses pendules », in : Chapuis, Alfred, Pendules neuchâteloises : Documents nouveaux, Genève :Slatkine, 1987 [1931], pp. 110-111.
Fiche d’inventaire AA 5058, Musée d’art et d’histoire, Neuchâtel.