Bien que proche du village de La Chaux-de-Fonds, le secteur des Eplatures et du Crêt-du-Locle faisait jadis partie de la commune du Locle. Il en fut détaché en 1851 pour constituer la municipalité des Eplatures. Cette entité, devenue commune en 1888, n’eut cependant qu’une existence éphémère.
Alors que les principales rues de La Chaux-de-Fonds s’étendaient rapidement dans sa direction, la petite communauté rurale n’était pas prête à affronter les problèmes liés à l’urbanisation. Aussi les Eplaturiers optèrent-ils massivement pour leur rattachement à la métropole horlogère en janvier 1900, une décision que ratifièrent le Conseil général de La Chaux-de-Fonds et le Grand Conseil neuchâtelois.
Baptisée peu après cet événement, la rue transversale tracée à proximité de la limite abolie reçut le nom de rue de la Fusion.
L’église des Eplatures, construite en 1847 mais achevée en 1852, ainsi qu’une vieille ferme, qui porte actuellement le N° 75 du boulevard des Eplatures, sont vues du sud-ouest. Au-dessus du toit en bardeaux, on distingue les arbres d’une tourbière et le pignon de la maison N° 69, construite en 1857, qui doit son cachet citadin à la prospérité horlogère.
Au premier plan, sur la route principale, six hommes en habit de cérémonie marchent derrière un corbillard tiré par un cheval. Le cortège se dirige vers le cimetière, qu’on devine devant l’église.
Outre le nom du lieu, on peut lire sur la carte un quatrain satirique ainsi que l’épitaphe d’une stèle ornée des armoiries des Eplatures, dont il ressort que les funérailles sont celles de la jeune commune.
Oscar Huguenin (1842-1903) a écrit et illustré de nombreux romans populaires dépeignant, pour la plupart, le monde rural neuchâtelois sous l’Ancien Régime. Son conservatisme explique sans doute pourquoi il a vu d’un œil critique le sabordage de la jeune commune. D’une part, La Chaux-de-Fonds traînait une réputation sulfureuse à cause de sa forte population immigrée et de ses nombreux débits de boisson, parfois très mal famés. D’autre part, la « Métropole horlogère » faisait de l’ombre au Locle, l’ancienne « Mère commune » des Montagnes neuchâteloises, dont Les Eplatures avaient été détachées un demi-siècle plus tôt.
Le quatrain d’Oscar Huguenin enfonce le clou en rappelant que les petits « sont toujours mangés par les gros ». Mais en l’occurrence, il serait abusif de taxer La Chaux-de-Fonds de voracité… Signalons enfin que l’artiste a conçu cette carte en reprenant une de ses propres gravures publiée en 1889. Les textes ont été ajoutés et le convoi funèbre a pris la place d’un banal chariot.
Klauser, Eric-André, Oscar Huguenin Imagier du Pays de Neuchâtel, Saint-Blaise, 1992.
Tissot, A., «Les dessins d’Oscar Huguenin», in Revue neuchâteloise, 1983, no 102.