En novembre 1939, la mobilisation est toute jeune, annoncée le 1er septembre, effective le 2. Ce jour-là, le Conseil fédéral suspend la concession de la Société suisse de radiodiffusion. C’est désormais le Département des postes et chemins de fer qui dispose, d’entente avec le Département militaire, du personnel et des studios. Le studio de Genève est fermé. Les programmes prennent un tour rassurant et divertissant, sauf lors des informations. Il s’agit de tranquilliser la population tout en s’en rapprochant.
L’émission « L’Opinion de l’homme de la rue », animée par Marcel W. Suès, dit Squibbs, s’inscrit dans ce contexte. Elle ne dure que jusqu’en avril 1940, peut-être victime de son succès. Son principe est d’annoncer sur les ondes, une semaine à l’avance, le passage de la Radio et de son reporter vedette, et de poser aux gens qui se présentent une question à laquelle ils répondent brièvement. A Neuchâtel, en l’occurrence : « Quel est le plus bel âge de la vie et pourquoi? ».
Cette archive sonore permet d’entendre des Neuchâteloises et des Neuchâtelois de tous âges et toutes conditions sociales. Avant de donner leur réponse à la question du jour, ils précisent leur nom, prénom et adresse. Le brouhaha perceptible révèle une foule qui se presse autour de l’animateur. Assailli de toutes parts, Squibbs n’arrive pas à traverser la place Numa-Droz et doit faire demi-tour. Craignant pour son micro, relié par un long câble à une voiture de reportage, il bat en retraite et l’archive se termine par un essoufflé « je ne reviendrai pas… ».
La relative insouciance des réponses montre que, malgré la mobilisation et le contexte belliqueux, un certain optimisme est encore de mise. La cohue qui règne autour de l’animateur est révélatrice du pouvoir d’attraction de la Radio, dont la venue à Neuchâtel crée l’événement.
Lorsque Squibbs fait demi-tour, on entend encore les éclats de voix de la foule, parmi lesquels une oreille attentive discerne que quelqu’un compare cette atmosphère d’émeute à un « attentat contre Hitler ». Etrange commentaire qui nous rappelle Maurice Bavaud, ce jeune Neuchâtelois de 23 ans qui croupit dans les geôles allemandes suite à sa tentative avortée d’assassiner Hitler en novembre 1938.
Le Radio 1939/2, semaine du 12 au 18 novembre 1939, RTS, Lausanne.
Squibs, article Wikipédia.
Neuchâtel. Promenades sonores dans le temps d’une ville millénaire, archives radio publiées à l’occasion du Millénaire de la Ville de Neuchâtel.CD + livret de 32 pages. RTS 2011