Si la Réforme a triomphé à Neuchâtel en 1530, la France voit encore les réformés tenter de s’imposer. Quelques imprimeurs engagés s’emploient à diffuser leurs idées. Pierre de Vingle, établi à Lyon, publie ainsi bon nombre de livres condamnés par la Sorbonne. Il doit bientôt quitter la France et, sur les conseils de Guillaume Farel, s’installe à Neuchâtel en 1533. Sa présence et son activité font de la principauté un centre de diffusion de la propagande réformée, notamment vers la France. En 1534, il imprime à plusieurs milliers d’exemplaires un placard qui s’attaque violemment à la messe. Ce texte est diffusé dans la nuit du 18 octobre simultanément dans les rues de Paris et de plusieurs villes de France, et jusque dans les appartements privés du roi François Ier.
Imprimé sur une page de grande dimension, le texte compte 66 lignes et se présente en paragraphes clairement distincts qui permettent d’articuler l’argumentation. Les références bibliques sont signalées en marge. En quatre points, les auteurs Pierre Viret et Antoine Marcourt remettent en cause l’essence et la signification même de la messe : la notion de sacrifice et la présence réelle du Christ sous les espèces du pain et du vin sont contestées en s’appuyant sur les écritures. Le texte enfin s’en prend au cérémonial de la messe, jugé trop pompeux et éloignant de la connaissance de Jésus Christ.
François Ier est relativement bien disposé vis-à-vis des réformés modérés, mais le ton virulent de ces placards affichés à la porte de sa chambre provoque sa colère. L’indignation de l’Eglise et du monde catholique ouvre la voie à la répression contre les protestants dans toute la France. Le 21 janvier 1535, le roi participe à Paris à une procession expiatoire annoncée dans toutes les paroisses. Le même jour six membres du mouvement huguenot montent sur le bûcher. L’affaire des Placards marque ainsi un tournant dans l’histoire du protestantisme en France, desservant ses membres et contribuant à leur exode. Le camp des réformés paie ainsi très cher ce coup d’éclat qui ouvre une période de conflit violent.
Bloesch, Hans, « Un original des placards d’Antoine Mercourt », Musée neuchâtelois, 1943, pp. 99-104.
Berthoud, Gabrielle, « Remarques relatives au texte des placards », Musée neuchâtelois, 1943, pp. 105-109.
Schlup, Michel, Trésors de l’édition neuchâteloise, Hauterive : Ed. Gilles Attinger, 1981, pp. 18-21.
Berthoud, Gabrielle, Antoine Marcourt, Réformateur et Pamphlétaire, du « livre des marchans » aux placards de 1534, Genève : Librairie Droz, 1973, pp. 157-223, 287-289.
Hari, Robert, « L’affaires des placards de 1534 », in: Aspects de la propagande religieuse, Genève : Droz, 1957, pp. 79-142.
Engammare, Max, « Marcourt, Antoine », in : Dictionnaire historique de la Suisse (DHS).