C’est le roi Frédéric II qui est l’instigateur des recensements dans la principauté de Neuchâtel, propriété de la maison de Prusse depuis 1707. Comme dans ses autres possessions, il souhaite connaître le nombre des habitants et leurs métiers. Cependant, le projet heurte la mentalité libérale du pays et il ne se concrétise que tardivement.
Le premier recensement est mis sur pied en 1750, mais la compilation des résultats s’avère aléatoire car les instructions officielles, trop vagues, sont interprétées différemment d’une commune à l’autre.
Fort de cette expérience, le gouvernement neuchâtelois fait imprimer des formulaires contenant des directives précises et détaillant les rubriques à compléter. Ces tabelles servent de guide lors des recensements annuels organisés à partir de 1752 dans chaque commune. Dès lors, les autorités disposent d’indications relativement fiables.
Le document est une tabelle utilisée à La Sagne en 1779 pour inscrire les données correspondant à une partie du village. Le secrétaire de commune Frédéric Perrenoud a apposé sa signature au bas de la page ; il a sans doute rempli lui-même le formulaire, à moins qu’il se soit contenté de le viser.
Les directives imprimées destinées aux recenseurs couvrent les deux tiers de la page. Les professions sont classées par ordre alphabétique. Au verso, la liste se poursuit, mentionnant 88 « faiseurs de dentelles » et 43 horlogers.
Le préposé a passé en revue 102 maisons, abritant 394 personnes réparties en 101 « feux », ou familles. A titre de comparaison, le décompte total signale 1334 habitants à La Sagne cette année. Les individus sont ventilés par nationalité (Neuchâtelois ou étrangers), par sexe et par classe d’âge. En plus des enfants et des adultes, on distinguait les jeunes ayant communié, donc âgés de 17 à 20 ans environ.
Les maisons et les individus ont été enregistrés sous la forme d’une succession de traits à la plume. Pour faciliter le comptage final, les traits correspondant aux dizaines ont été surmontés par un point.
Les nombreuses tabelles de recensement conservées dans les collections des archives de l’Etat et de diverses communes ne livrent en principe que les résultats du comptage. Cette feuille fait penser à un brouillon ; elle se distingue en dévoilant le processus simple du comptage, poussé ici à sa limite en raison du grand nombre d’individus recensés.
L’aspect naïf du document ne doit pas faire douter de la validité du contenu. Aucun recensement n’est irréprochable, les erreurs pouvant être intentionnelles ou involontaires, d’inattention, d’interprétation, de transcription et même de collation.
Les préposés au dénombrement du 18e siècle connaissent parfaitement leur circonscription et la marge d’erreur réside principalement dans l’identification de la profession car un bon nombre d’hommes exercent plusieurs métiers à la fois, ne serait-ce que de manière accessoire.
Henry, Philippe, « L’évolution démographique », in : Histoire du pays de Neuchâtel, tome II, Hauterive : Ed. Gilles Attinger, 1991, pp. 140-157.
Cop, Raoul, « Un recensement de la population et des familles des Montagnes en 1712 », Musée neuchâtelois, 1986, pp. 128-137.
Sorgesa Miéville, Béatrice, «Premier recensement de la population neuchâteloise (1750) ou Dénombrement des peuples, des pauvres et autres », Musée neuchâtelois, 1988, pp. 195-208.
Inventaire de la série Recensements, Archives de l’Etat de Neuchâtel.