Peint à la fin du XVe ou au début du XVIe siècle, l’histoire de ce tableau conserve une part de mystère. En 1828, le Couronnement de la Vierge se trouve dans l’ancienne église Saint Maurice au Landeron. Par la suite, il aurait été transporté dans une salle haute de l’Hôtel de Ville. Il y reste jusqu’en 1896, année où une photographie de l’œuvre est présentée à l’Exposition Nationale de Genève, l’original étant en trop mauvais état pour voyager. En 1906, le Musée historique de Neuchâtel prend cette peinture en dépôt et procède aux restaurations indispensables à sa sauvegarde. La ville de Neuchâtel confie encore l’ensemble de ses primitifs entre 1976 et 1978 à l’Institut royal du patrimoine artistique de Bruxelles pour une ultérieure restauration.
Le Couronnement de la Vierge est peint à tempera sur une toile marouflée sur panneaux de bois. Il constitue l’un des éléments d’un retable, probablement un triptyque, dont les autres panneaux ne sont pas parvenus jusqu’à nous. La scène représente le couronnement de la Vierge et la Trinité. La Vierge est agenouillée et nimbée; sa douceur et son humilité contrastent avec les traits sévères de Dieu le Père, noble et tenant un sceptre à la main, et avec le Christ portant les stigmates de sa Passion. Tous trois sont revêtus de riches brocarts. La colombe de l’Esprit Saint plane au dessus de la couronne de la Vierge. Anges et angelots accompagnent l’hommage à Marie de leurs chants et musiques. En bas à gauche se trouve le donateur de l’œuvre avec ses armoiries arborant les initiales J.V.C.
Le blason au bas du tableau est attribué à Jaques Valois, chapelain et chantre du chapitre de Notre Dame de Neuchâtel à la fin du XVe siècle, ce qui laisse supposer que l’œuvre a été exécutée pour la Collégiale de Neuchâtel. Pour la protéger de la vague iconoclaste à la Réforme en 1530, le panneau du Couronnement aurait été caché au Landeron, resté catholique. L’œuvre s’inscrit dans la tradition artistique gothique mais les deux angelots sur les piliers semblent préfigurer les putti décoratifs de la Renaissance. L’œuvre a longtemps été attribuée au Maître à l’Oeillet mais les récentes recherches ont mis en évidence qu’il s’agirait plutôt d’un ensemble de Maîtres à l’œillet, appellation qui désigne divers artistes anonymes ayant peint, dans les ateliers de Berne, Fribourg, Zürich ou Baden, un ensemble de retables exécutés entre 1470 et le début du XVIe siècle. Ces œuvres sans signatures portent néanmoins des signes distinctifs : deux œillets – un rouge et un blanc – un seul œillet rouge, ou encore un œillet croisé avec un brin de lavande – comme pour le Couronnement de la Vierge. Une autre interprétation récente attribue l’œuvre à Thüring Meyerhofer, peintre actif à Baden entre 1484 et 1505.
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