Émile Zola relança l’affaire Dreyfus d’une manière retentissante le 13 janvier 1898 au travers de son célèbre article intitulé « J’accuse… ! ». Cet article et le premier procès qui s’ensuivit, permirent de poursuivre l’affaire et aboutirent, finalement, à la cassation (en septembre 1898) de la première condamnation du capitaine Dreyfus.
Zola paya son engagement d’un exil de près d’une année en Angleterre. Décédé en 1902, il ne put assister à la réhabilitation complète de Dreyfus en 1904.
Sensibles à l’action énergique de Zola, des habitants de La Chaux-de-Fonds décidèrent de lui offrir une montre en or « en témoignage de l’admiration que nous inspire votre acte héroïque ».
Cette lettre manuscrite, postée boulevard de Clichy le 17 mai, est adressée à M. Émile Meyer, l’un des expéditeurs de la montre que Zola a choisi pour être son « interprète auprès des habitants de La Chaux-de-Fonds ». Émile Zola remercie chaleureusement tous ses donateurs et y réitère son souhait de voir la vérité éclater au grand jour.
Rien dans cette lettre ou celle qui accompagne la montre n’affirme que ce cadeau est le fait d’horlogers juifs uniquement. Tant les expéditeurs que le récipiendaire ne font que mentionner des « habitants » sans en préciser ni la religion, ni la profession.
Cette montre en or se trouve actuellement exposée au musée Carnavalet à Paris. À l’intérieur du boîtier, elle est signée « un groupe d’admirateurs de la Chaux-de-Fonds » et elle porte sur le dessus la signature de Zola en relief.
L’intégration des horlogers et commerçants juifs dans les Montagnes neuchâteloises ne s’est pas toujours faite sans heurts même si ceux-ci ont été fort sporadiques et relativement de peu de gravité (à l’image de l’émeute Biéler en 1861). Néanmoins, les membres de cette communauté devaient être sensibles à l’engagement que prit Zola dans la défense du capitaine Dreyfus, lui-même juif alsacien.
À aucun moment cependant, le caractère potentiellement antisémite de l’affaire n’est mentionné et la montre porte comme dédicace : « La vérité est en marche et rien ne l’arrêtera » (dernière phrase de « Procès-verbal », article de Zola paru dans Le Figaro le 5 décembre 1897). De la même manière, le journal L’Impartial ne fait aucune mention de cet aspect de l’affaire lorsqu’il reproduit, le 22 mai 1898, les deux lettres qui ont accompagné ce cadeau.
Perrenoud, Marc, « Un rabbin dans la cité, Jules Wolff : l’antisémitisme et l’intégration des Juifs à La Chaux-de-Fonds », Musée Neuchâtelois, 1989, p. 13-51.
Dabouis , Élise, Giniès, Nathalie (éd. et commentaires), Émile Zola : J’accuse !, Paris : Gallimard, 2003.
L’Impartial, 22 mai 1898.