La chaîne servait à barrer l’accès au bas Val-de-Travers par le défilé de Saint-Sulpice. Elle était située à proximité de la Tour Bayard dont il ne reste que quelques pierres.
Elle est mentionnée dès le 15e siècle et figure dans les armoiries de l’ancienne commune de Saint-Sulpice. La topographie du lieu, étroit défilé, seul passage possible pour des véhicules entre le Vallon et la Franche Comté, suscita la naissance de mythes et de légendes.
L’une d’elle raconte que, durant les Guerres de Bourgogne, face à la menace d’invasion du Plateau suisse par le duc Charles le Téméraire, en 1476, cette chaîne fut forgée en une nuit. Arrêté par cet obstacle, le redoutable duc fit demi-tour et passa par le défilé de Jougne. Une bonne moitié des anneaux de fer ne portant pas de date pourraient remonter à cette époque. Les autres, marqués et datés, attestent de réinstallations ou d’élargissements de la route aux 18e et 19e siècles.
La lourde chaîne est constituée de 30 anneaux de fer forgés à différentes époques. Selon les archives du Musée de Fleurier, il ne s’agirait que de « quelques anneaux ». Au vu de la largeur de la route, la chaîne de la Tour Bayard, telle qu’elle nous est parvenue, semble néanmoins complète. L’anneau en forme d’étrier permettant l’accrochage au tenon fiché dans le rocher est daté de 1722 avec une marque de forgeron « AH ». Neuf anneaux portent la marque « AI ». Deux, dont celui du centre, plus massif, présentent la même marque avec la date 1840. Dix-huit anneaux, de facture plus grossière, ne portent aucune marque.
Témoin d’un système défensif lié à d’autres installations, telles que tours, péages, forts, la chaîne de Saint-Sulpice est l’un des premiers objets entrés dans les collections du Musée de Fleurier par dépôt de l’Etat de Neuchâtel en 1861. Elle était auparavant gardée au Château de Môtiers. On suppose que d’autres chaînes du même type existaient sur cette route : au débouché du Col des Etroits, au dessus de Sainte-Croix, et éventuellement à la Clusette, à l’extrémité est du Val-de-Travers. Ces barrages sont à restituer dans le contexte historique de la prise de pouvoir des comtes de Neuchâtel sur le Vautravers, dès la seconde moitié du 14e siècle, puis, plus tard, de l’amélioration des routes carrossables facilitant l’intrusion de voyageurs étrangers indésirables. La chaîne est également emblématique de l’exploitation du fer, des forges et hauts fourneaux implantés entre les Bayards et Saint-Sulpice durant le Moyen Âge.
De Reynier, Christian, « La tour Bayard et le fort de la Clusette, verrous de la route de Bourgogne », in : Le Val-de-Travers, une région, une identité, Hauterive : Ed. Gilles Attinger, 2008, pp. 83-84.
Inderwildi, Frédéric, Histoire des Sociétés d’Emulation du Val-de-Travers et du Musée de Fleurier, plaquette publiée à l’occasion du 150ème anniversaire des deux sociétés, Couvet : Société d’émulation du Val-de-Travers ; Fleurier : Association du Musée régional, 2009.
Baillods, Jules, « La chaîne » (nouvelle), in : Notre Mossieu, histoires du pays, La Chaux-de-Fonds : Haefeli, 1920. Jules Baillods cite en exergue La chronique des chanoines de Neuchâtel, où l’épisode est relaté.
Une lithographie d’Ed. Pingret, montrant la route de la Chaîne à Saint-Sulpice, figure dans : Sazerac, Hilaire, Un mois en Suisse ou Souvenirs d’un voyageur, Paris, 1825.