L’entreprise horlogère américaine Bulova, dont deux sites de production sont installés à Bienne et à Neuchâtel, se trouve frappée de plein fouet par la profonde crise de l’industrie horlogère suisse des années 1970. L’effondrement du marché américain et la cherté du franc suisse pèsent sur les commandes. La direction décide de mesures importantes de rationalisation. 285 employés sont licenciés en 1975, 500 en 1976. Le 14 janvier 1976, la direction annonce le transfert de toutes ses activités à Bienne et la fermeture de l’usine de Neuchâtel où travaillent 190 personnes. Dans un climat délétère et tendu, les employés s’opposent à cette mesure en occupant les ateliers de Neuchâtel.
Deux extraits de journaux radiodiffusés évoquent l’actualité de la grève. Le premier, provenant du journal du matin du 21 janvier, présente le discours d’un employé occupant l’usine Bulova. Montrant la résolution des ouvriers, il réclame la participation des travailleurs aux décisions qui les concernent. Il dénonce les entreprises qui prennent les travailleurs pour des machines et qui font fi de leur dignité. Le second extrait est tiré du journal de midi du 25 janvier 1976. Le journaliste Pierre Kramer commente l’événement et souligne qu’il faut désormais prendre acte que quelque chose a changé définitivement dans le rapport entre travailleurs et entreprises.
Cette action spectaculaire surprend dans un paysage suisse encore réglé par les collections collectives et la paix du travail. La France a connu, quelques années plus tôt, une affaire similaire. En 1973, l’entreprise horlogère LIP de Besançon est occupée par ses ouvriers qui tentent l’autogestion de l’usine. L’affaire LIP connait un fort rententissement médiatique et réanime les mouvements de luttes ouvrières. Elle sert probablement de référence pour les grévistes de Bulova. Leur action débouche sur une négociation : si le transfert vers Bienne est maintenu, plusieurs mesures réglant les modalités de ce transfert sont mises en place, répondant en partie aux préoccupations du personnel. En 1982, Bulova cesse toutes ses activités suisses.
Marti, Laurence, « Retour sur une grève dite exemplaire : la grève de Bulova Watch Co., Neuchâtel, 1976 », in : Laboratoires du travail, Lausanne : Editions Antipodes, 2008, pp. 39-52.
Neuchâtel. Promenades sonores dans le temps d’une ville millénaire, archives radio publiées à l’occasion du Millénaire de la Ville de Neuchâtel. CD + livret de 32 pages. RTS 2011.