Chassé par la condamnation de son ouvrage l’Emile, Jean-Jacques Rousseau se réfugie en 1762 à Neuchâtel où il bénéficie de la protection de Frédéric II, roi de Prusse et souverain de la principauté de Neuchâtel. Il séjourne jusqu’en septembre 1765 à Môtiers, dans le Val-de-Travers. Ce passage dans la région reçoit un écho dans son œuvre : le livre XII des Confessions ainsi que de nombreuses lettres racontent son passage à Neuchâtel. Le séjour de Rousseau dans le Val-de-Travers va inspirer un grand nombre d’artistes. Ce ne sont par exemple pas moins de 14 planches qui sont consacrées à cette région dans les Tableaux de la Suisse publiés en 1777 par Laborde et Zurlauben et d’où est tirée cette estampe.
Le paysage fantastique représenté sur la gravure est difficilement reconnaissable, ne serait-ce l’inscription qui figure au bas de l’image. La grotte dans laquelle Rousseau aimait se retrouver, située à 1,5 km de Môtiers, dans les gorges de la Poëta-Raisse, est figurée par un amas impressionnant de roches, sans correspondance aucune avec la réalité. L’échelle, très exagérée elle aussi, est donnée par la présence d’un petit personnage au premier plan.
La représentation de la grotte doit plus à l’imagination romantique de l’artiste qu’à la réalité topographique. Le graveur s’est en effet fortement inspiré de la description littéraire qu’en donne Rousseau dans une Lettre à M. le maréchal de Luxembourg, le 28 janvier 1763 : « Des divers rochers qui meublent cette caverne, les uns détachés et tombés de la voûte, les autres encore pendants et diversement situés, marquent tous dans cette mine naturelle l’effet de quelque explosion terrible dont la cause paraît difficile à imaginer, car même un tremblement de terre ou un volcan n’expliquerait pas cela de manière satisfaisante ».
Matthey, F., « Réalisme topographique et paysage littéraire », in : Iconographie du Val-de-Travers, Revue neuchâteloise, no 70, 1975, pp. 6-12.