Commencés en 1868, les travaux de la Première Correction des eaux du Jura prennent fin en 1891 et visent à réguler le niveau des lacs de Neuchâtel, Morat et Bienne, réduisant ainsi la menace des crues. Le creusement du canal de la Thielle provoque un remodelage important du territoire dans la région de Cressier et du Landeron. La Thielle a en effet toujours servi de frontière naturelle entre les cantons de Berne et de Neuchâtel. Le nouveau tracé de la Thielle oblige les deux cantons à modifier cette délimitation. Berne cède les territoires sur la rive gauche du canal. Neuchâtel abandonne à son voisin les terrains situés sur la rive droite, comprenant le château de Thielle, l’ancienne maison des péages neuchâtelois et la Maison Rouge. Les nouvelles frontières sont reconnues et bornées par les délégués des deux cantons le 25 juin 1894.
Oscar Huguenin représente sur cette carte postale le château de Thielle au bord de la rivière du même nom, dans une perspective très classique. Le pont de pierre, construit à la fin du XVIIIe siècle, enjambe la rivière. De l’angle droit de la carte surgit un ours, personnifiant le canton de Berne, qui s’empare de ce bâtiment autrefois neuchâtelois. De l’autre côté de la rivière gît une borne neuchâteloise portant les anciennes armoiries (les chevrons) renversée dans l’herbe.
Par cette composition, le dessinateur marque son regret de voir abandonné à Berne le château de Thielle. Ce monument avait en effet autrefois un rôle particulier pour la région. Il servait de porte d’entrée dans le comté, puisqu’un péage était installé dès le XIIIe siècle sur le pont. Beaucoup de Neuchâtelois regrettent cet échange et condamnent les autorités qui sacrifient « un souvenir historique national (…) sur l’autel de la ligne droite » en échange de « quelques lopins de marais » (Suisse libérale, 19 octobre 1895).
Godet, Alfred, « Le pont de Thielle », Musée neuchâtelois, 1896, pp. 243-244.
Callet-Molin, Vincent ; Ruedin, André, « Economie et société », in : Cressier entre Thielle et Jura, Hauterive : Ed. Gilles Attinger, 2008, pp. 205-211.