Durant les années 1920, le mouvement ouvrier socialiste se développe dans le canton de Neuchâtel, et particulièrement dans les Montagnes. Cette croissance, favorisée par la crise économique, se manifeste par la création de structures syndicales, de coopératives et d’associations culturelles et sportives. Mais la poussée électorale du Parti Socialiste neuchâtelois se heurte à certaines limites. Il tente en effet à deux reprises, en 1927 et 1931, par des initiatives populaires, d’introduire la représentation proportionnelle pour l’élection du Conseil d’Etat. Les socialistes pensent ainsi pouvoir entrer au gouvernement cantonal. Mais la proposition est rejetée par le peuple par deux fois.
Mi-documentaire, mi-fiction, le film s’ouvre sur une séquence jouée par les acteurs de la « Théâtrale ouvrière ». Elle présente la famille d’un vieil ouvrier boîtier racontant son existence et la précarité de la condition ouvrière. Ce récit sans nuances est le prétexte pour évoquer, à travers des extraits documentaires, les progrès du mouvement socialiste : les coopératives, les diverses activités du parti socialiste et l’élaboration du journal « La Sentinelle ». La séquence montrée ici illustre l’activité des coopératives : la boulangerie, le marchand de chaussures et la pharmacie permettent de proposer aux ouvriers divers biens de consommation.
Le film a été commandité par les syndicats horlogers, le parti socialiste et les coopératives réunies afin de convaincre les électeurs dans le cadre de la campagne des votations du 15 mars 1931. Le film se termine d’ailleurs par cette appel : « Quand tous, travailleurs des champs, travailleurs des fabriques, petits artisans, fonctionnaires comprendrez que le socialisme, c’est plus de justice, plus de bien-être, vous voterez la liste Bleue et nous conquerrons le Château ! ». Cet usage militant du cinéma ne rencontra qu’un succès mitigé. La piètre qualité du scénario, les maladresses du film et sa longueur rebutent une partie de l’électorat auquel il s’adresse.
Joseph, Aude, Neuchâtel, un canton en image : filmographie, Hauterive : Ed. Gilles Attinger, 2008, pp. 115-118.
Perrenoud, Marc, « Le mouvement ouvrier au risque du cinéma », Musée neuchâtelois, 1995, pp. 201-219.
Perrenoud, Marc, « La vie politique de 1914 à 1915 », in : Histoire du Pays de Neuchâtel, tome III, Hauterive : Ed. Gilles Attinger, 1993, pp. 66-83.