Au 17e siècle, les soldats suisses, allemands ou neuchâtelois au service de la France ont l’habitude de fumer la pipe ou de priser lors des périodes de repos en temps de paix. Le tabac se vendant en carotte, ils utilisent un instrument spécifique pour râper leur tabac au fur et à mesure de leur besoin. Cette râpe, appelée en allemand Reibeisen, a donné en français le nom de grivoise (par l’épenthèse du g). Provenant, selon le dictionnaire Littré, de Strasbourg vers 1690, cet accessoire accompagne bientôt la plus grande partie des mercenaires au service étranger.
De dimensions modestes, permettant ainsi de le transporter facilement sur soi, cette grivoise est constituée d’une râpe à charnière, fixée sur le corps central. Le tabac râpé est recueilli au fond du réservoir prévu à cet effet et s’échappe par un trou situé dans le bec de l’aigle qui termine la grivoise. Le tabac tombe par là dans la main du fumeur. La partie supérieure représente un buste de femme nue couchée.
La grivoise fait mode et devient rapidement familière des soldats, à tel point que ceux qui s’en servent sont bientôt surnommés les « grivois ». Appliqués d’abord aux hommes d’armes, ce nom désigne plus tard par extension toute personne entreprenante ou de mauvaises mœurs. Grivois est aussi utilisé comme adjectif pour qualifier des actes ou des propos lestes réprouvés par la décence. Les sculptures qui ornent les grivoises, représentant souvent des femmes peu vêtues, expliquent l’évolution de cette expression.
Godet, Alfred, « Les grivoises », Musée neuchâtelois, 1893, p. 125-127.
Nourrisson, Didier, Histoire sociale du tabac , Paris : Christian, 2000.
Guillaume, Louis, Notice historique sur l’introduction du tabac dans le canton de Neuchâtel, Musée neuchâtelois. – Neuchâtel. – 1875, p. 88-93.