Sous l’Ancien Régime, l’autorisation de tenir une auberge, le droit de schild (de l’allemand Schild enseigne), est délivrée par le Conseil d’Etat. Le requérant adresse une demande mentionnant le nom et la localisation de la future auberge au gouverneur de la juridiction concernée. Ce dernier la transmet au Conseil d’Etat complétée par quelques arguments légitimant l’ouverture d’un l’établissement en ce lieu. L’enseigne, que l’on a l’obligation de placer sur le bâtiment, signale au voyageur à pied ou à cheval un lieu où il trouvera le gîte et le couvert ainsi que la certitude d’être accueilli car l’aubergiste ne peut en principe pas refuser d’héberger quelqu’un.
Ces plaques ouvragées, représentations naïves et poétiques, sont souvent de petits chefs-d’œuvre d’art populaire sur des potences de fer forgé délicatement ouvragées.
L’enseigne date du début du 19e siècle (ou de la fin du 18e siècle s’il s’agit d’un réemploi). Elle est en tôle découpée peinte en polychromie recto-verso. Elle présente un portrait équestre du roi Frédéric II de Prusse, très probablement d’après la gravure d’Abraham Girardet, elle-même faite en 1791 d’après un tableau du peintre germano-polonais Daniel Chodowiecki. Le cavalier est dans un médaillon entouré d’une couronne de laurier flanquée de deux soldats. Des banderoles de fer indiquent en haut le nom de l’auberge et en bas le lieu-dit.
Le Cernil se trouve sur la route reliant la Brévine aux Bayards à 1174 m d’altitude, au sommet d’une côte assez pentue. C’est justement la pénibilité de la route et les rigueurs du climat que le maire des Verrières invoque pour appuyer la demande de David-Louis Barbezat, négociant. Ce dernier est aussi propriétaire de l’auberge de la Couronne au Grand-Bayard. L’auberge du Grand Frédéric est ouverte en 1834 dans un bâtiment neuf. Le choix de son nom est significatif de la popularité du roi de Prusse Frédéric II, dit le Grand Frédéric, qui régna sur la principauté de 1740 à 1786. Il passait pour être philosophe et bon tireur. Abraham Girardet assortit son portrait d’un quatrain : « Favori des neuf sœurs autant que de Bellone / Il scu plaire, combattre, instruire et gouverner / Son courage soutint l’éclat de sa couronne / Comme son esprit sut l’orner ».
En Pays neuchâtelois, plusieurs auberges portaient cette enseigne, entre autres, au Cachot, au Locle et aux Verrières. Celle que l’on peut encore voir maintenant sur le bâtiment du Cernil est une copie à l’identique de l’original donné au Musée de Fleurier au début du 20e siècle.
Reutter, Louis, Les enseignes d’auberges du canton de Neuchâtel, avec notice par A. Bachelin, Société cantonale d’histoire, Neuchâtel : Attinger, 1886.
Grellet, Pierre, « Enseignes romandes », in : Trésors de nos vieilles demeures, anciennetés du Pays romand, Lausanne : Editions de la Gazette de Lausanne, Editions Spes SA, 1930.
Creux, René , Adout, Jacques, Images dans le ciel: Belles enseignes, Paudex : Éditions de Fontainemore, 1962.
Schlup, Michel, Auberges et cabarets d’autrefois (1500 – 1850), Hauterive : Editions Gilles Attinger, 1988.