L’image est prise de la petite île (« Chüngeli » ou Karnickel-Insel) encore séparée de la grande île. Connue aussi comme île de la Motte – où les Neuchâtelois aimaient à se retrouver et à « pique-niquer » –, par la suite baptisée Ile de Rousseau, l’Ile de Saint-Pierre est ici vue en direction du nord. Sur sa rive sud se remarquent les bâtiments du cloître et l’ancien port dit des pêcheurs. Sur le rivage opposé du lac de Bienne se voient, à gauche, La Neuveville et, à droite, Gléresse (Ligerz) et Douane (Twann) probablement.
L’illustration insolite semble mélanger deux époques. A droite, un personnage en chapeau droit pouvant évoquer Jean-Jacques Rousseau aborde en bateau la petite île sur laquelle se trouvent deux lapins.
A gauche, un bateau à vapeur en fer arborant un drapeau suisse à la poupe n’est autre que l’Industriel, que Philippe Suchard (1797-1884) avait lancé en 1834 sur le lac de Neuchâtel et dont il était aussi le capitaine.
Les corrections des eaux du Jura, abaissant le niveau du lac de quelque 2,50 m, ont transformé les deux îles en une presqu’île et fait surgir un isthme, le chemin des païens (Heidenweg), qui les relie habituellement à la terre ferme à Cerlier (Erlach).
Quittant Môtiers le 8 septembre 1765, Jean-Jacques Rousseau semble s’être installé dès le lendemain dans la ferme du receveur de l’île où il demeurera jusqu’au 26 octobre avant d’être chassé à nouveau.
De la petite île où il aimait à se retirer, il avait voulu faire un paradis pour les animaux et, en automne 1765, y avait conduit en barque des couples de lapins domestiques achetés au marché de Neuchâtel. En dépit d’une légende tenace, perpétuée jusque dans les guides touristiques, ces lapins et leur descendance ont depuis longtemps disparu, de même que se sont éteints les lapins sauvages introduits à la fin du XIXe siècle.
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